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Projets de transformation : passer de l’épuisement des ressources à leur régénération


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Les entreprises contemporaines opèrent dans un contexte marqué par la fin de l’illusion des ressources illimitées, qu’elles soient matérielles ou humaines. Face à cette réalité, seule une approche innovante et responsable, conjuguant valeur économique, humaine et environnementale, permettra aux organisations de prospérer. Cette transformation profonde, nécessaire mais exigeante, impose de réfléchir aux moyens de régénérer les ressources.

Cet article explore trois axes stratégiques pour aider les Directions Générales à relever ce défi :

  • ajuster les transformations aux forces en place ;

  • créer des conditions de régénération mutuelle entre ressources et objectifs pour les aligner sur une croissance durable ;

  • rétablir un lien fort entre les salariés et leur entreprise.

 


1. Transformation organisationnelle : comment s’adapter aux forces en place ?

Chaque organisation possède ses spécificités. Une transformation efficace commence par une analyse approfondie de ses dynamiques internes, de ses ressources et de ses objectifs propres.


Face aux multiples évolutions, technologiques, économiques, réglementaires, environnementales, les organisations doivent se transformer. Or ce changement est extrêmement coûteux pour les personnes qui le portent. L’entreprise doit donc se concentrer sur les chantiers essentiels, préférer évoluer à petits pas et sûrement plutôt que par grandes vagues incertaines qui épuisent les ressources. Cette approche frugale doit également être pragmatique en prenant en compte les réalités opérationnelles et les pratiques locales. Dans une entreprise internationale telle que Safran Landing Systems, la diversité des profils (ingénieurs, techniciens, experts) et leur répartition géographique sur plusieurs continents exigent des approches locales et adaptées pour engager les équipes dans les transformations à mener. Il est impératif de prendre le temps de connaître les collaborateurs et d’adapter le discours aux réalités culturelles de chacun.


Comprendre l’organisation et sa culture c’est comprendre les comportements, les croyances, les systèmes et symboles qui sont à l’œuvre. A titre d’exemple, dans une fonderie de verre, tant qu’on ne comprend pas que « la première brûlure » est un rituel d’intronisation dans le métier, il n’est pas possible de progresser sur la douloureuse question du port des équipements de sécurité.

Les différences générationnelles doivent aussi être prises en compte mais sans tomber dans la généralisation et les stéréotypes. Les enquêtes sur les aspirations professionnelles des jeunes révèlent une certaine hétérogénéité dans les attentes en fonction des profils socio-économiques et un écart entre les attentes exprimées et la réalité de leurs parcours professionnels. Ainsi des élèves de HEC ont répondu être prêts à renoncer à 20 % de leur salaire pour plus d’autonomie ou pour rejoindre une entreprise orientée sur les enjeux environnementaux alors que leur trajectoire professionnelle montre qu'ils ne renoncent en réalité qu'à 8 % en moyenne.


Une approche adaptative exige de déceler les moteurs et freins à l’œuvre dans l’organisation. Ce diagnostic, basé sur l’immersion, l’observation et l’écoute, permet de structurer les efforts autour des dynamiques positives et d’investir efficacement dans le changement. Par exemple, Safran, bien qu’en période de réduction des budgets liés aux temps forts collectifs, a fait le choix de maintenir les frais de traducteurs. C’est un choix judicieux que de soigner en premier lieu les canaux de communication comme préalable à tous les progrès en cascade qui sont attendus. Enfin, en début de projet, un management énergique et convaincu est indispensable pour mobiliser les équipes et insuffler une dynamique collaborative.


A retenir :

  • Prioriser la frugalité : éviter la saturation organisationnelle en se concentrant sur l’essentiel.

  • Observer les dynamiques existantes pour aligner les transformations sur les réalités internes.

  • Investir dans la phase initiale pour créer une mobilisation durable.


2. Ressources et objectifs : comment créer les conditions de régénération mutuelle pour les aligner sur une croissance durable ?

Les transformations doivent viser un équilibre entre exploitation des ressources individuelles et alignement des objectifs personnels afin d’assurer une régénération continue au sein des organisations.


L’engagement individuel et collectif est au cœur des processus de transformation. Une étude sur l’engagement révèle que la motivation première des militaires, qui sont prêts à donner leur vie, est la camaraderie. Ce constat souligne l’importance de s’intéresser aux motivations profondes, en parallèle du travail souvent fait pour identifier et formaliser la raison d’être collective. Les liens humains sont souvent une ressource en la matière. Pour bien les cerner, on pourra travailler avec des persona pour mieux comprendre la diversité des aspirations et contraintes des différents collaborateurs, identifier l’impact des transformations sur celles-ci et ainsi renforcer l’engagement tout en optimisant les processus de travail.


Depuis 10 ans, toutes les études sur la croissance économique mettent en évidence le lien entre croissance économique et confiance : confiance entre investisseurs et entreprises, relations consommateurs ou clients-fournisseurs, confiance entre les collaborateurs d’une entreprise et entre les acteurs d’un écosystème, ... Le niveau de confiance en France est faible comparé à d’autres pays. La raison la plus souvent invoquée tient à des pratiques pédagogiques très spécifiques à la scolarité « à la française » où la collaboration au travers de projets collectifs est très peu pratiquée. Et pourtant, toutes les entreprises disposent d’un capital confiance inexploité, concentré dans les 30-40 % de salariés qui se déclarent attentistes dans les nombreuses enquêtes menées sur l’engagement. La confiance est à la base de l’engagement et de la responsabilisation. Les entreprises doivent donc investir dans la confiance pour créer un environnement propice à la régénération des ressources.

Celle-ci repose sur plusieurs piliers :

  1. Le narratif commun : un pré-requis pour porter une vision partagée qui connecte les collaborateurs aux valeurs et objectifs de l’organisation.

  2. L’autonomie et la reconnaissance pour encourager l’initiative individuelle tout en valorisant les contributions au collectif. Cela passe par des pratiques encore peu généralisées en France : le feedback, le droit à l’erreur, la célébration des succès même modestes.

  3. Le management de proximité pour soutenir les collaborateurs par un encadrement attentif et bienveillant. En effet, si l’on parle souvent de la confiance des collaborateurs envers leurs managers, la confiance du management envers les équipes est tout aussi importante.


Les pratiques de décentralisation illustrent ces principes. Cependant, elles n’aboutissent que lorsque les collaborateurs partagent des incitations et objectifs clairs. Une transformation bien menée repose donc sur une articulation entre liberté d’action et alignement stratégique.


A retenir :

  • Investir dans la confiance comme levier principal.

  • Valoriser les initiatives tout en maintenant une vision commune.

  • Soutenir les collaborateurs par un management de proximité et une reconnaissance authentique.


3. Engagement des salariés : comment rétablir un lien fort avec l’entreprise ?

Rétablir une connexion forte entre les individus et le collectif est essentiel pour contrer la désaffection des salariés, notamment des jeunes générations.


La désaffection envers l’entreprise, souvent confondue avec un rejet du travail, traduit un besoin accru de reconnaissance et d’interaction. Les jeunes générations, par exemple, expriment une forte aspiration à l’autonomie et à un sens accru dans leur activité professionnelle.

Pour rétablir les liens, les entreprises doivent miser sur :

  1. La création d’espaces de socialisation : Organiser des moments d’échange pour faire vivre l’expérience du partage et découvrir la valeur de la collaboration. Démarrer petit, avec quelques collaborateurs motivés et des moyens de communication simples (pas de grand-messes coûteuses) et capitaliser sur l’appétence des collaborateurs pour les relations humaines et l’effet « boule de neige ».

  2. Une approche participative : Encourager les collaborateurs à partager leurs bonnes pratiques. Chez Safran, par exemple, des initiatives simples comme la mise en avant de réussites locales ont permis de créer des dynamiques positives entre collaborateurs de différents pays.


Ces actions doivent être ancrées dans une intention sincère et soutenues par un engagement visible des dirigeants. Le développement de collectifs unifiés passe par la reconnaissance de la diversité et la création d’opportunités pour que chacun trouve sa place.


A retenir :

  • Créer des moments de socialisation pour renforcer les liens.

  • Encourager les initiatives locales pour inspirer l’ensemble de l’organisation.

 

En conclusion


Les transformations organisationnelles sont des opportunités uniques pour conjuguer bien-être individuel et performance collective. En ajustant les projets aux spécificités des organisations, en régénérant les ressources et en retissant les liens entre individus, les entreprises peuvent relever les défis actuels. Ces efforts n’impliquent pas de choisir entre performance et humanisme : ils résultent d’une vision partagée et d’un investissement dans la confiance, les relations et les conditions de travail.


Les dirigeants ont le pouvoir d’agir dès aujourd’hui. Identifier les besoins spécifiques, valoriser les succès, même modestes, et donner aux collaborateurs les moyens de contribuer à un futur souhaitable sont les premières étapes pour transformer durablement leurs organisations. Le chemin est exigeant mais porteur d’espoir : un équilibre entre résilience, innovation et humanisme est non seulement possible, mais également nécessaire pour construire un avenir désiré par tous.


Auteur :


Alice de Puybusque

Directrice, Kéa



Cet article est la synthèse du webinaire de la série Future-Up! 2024, avec les interventions de Pia Hernandez, Directrice des Ressources Humaines, Safran Landing Systems, Yann Algan, Doyen associé des Programmes pré-expérience de HEC et membre du Cercle des économistes, Alice de Puybusque, Directrice, Kéa.













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