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L'entreprise face à sa responsabilité



Analyse critique du capitalisme, plaidoyer pour une économie européenne assumant ses ressources culturelles



Depuis une dizaine d’années, nous assistons à une remise en cause profonde du capitalisme actionnarial et les dirigeants d’entreprise sont de plus en plus nombreux à tester d’autres voies : gouvernance partagée, modèles économiques à impact social, chaîne de valeur décarbonée, autonomie des équipes… L’esprit de responsabilité gagne du terrain, en Europe notamment où les entreprises se démarquent des modèles américains ou chinois.


Dans le livre "L’entreprise face à sa responsabilité", nous poursuivons un double objectif. D’une part, nous démontrons que l’entreprise est devenue l’épicentre des mutations du monde et que relever nos défis socio-écologiques passe par une réforme de sa gouvernance. D’autre part, nous proposons des clés de lecture des transformations du capitalisme à l’œuvre, sans moralisation et avec sens critique.



Analyse et critique de l’entreprise moderne


Après un retour aux origines et l’analyse des dynamiques que sont la mondialisation, le capitalisme, le libéralisme et la révolution industrielle, nous distinguons quatre esprits caractérisant l’entreprise moderne :

  • L’esprit de conquête : une soif de territoires à coloniser et à exploiter, concrétisée par la naissance de l’industrie pétrolière et du chemin de fer au 19ème siècle, par le pouvoir pris par la technologie et la data de nos jours.

  • L’esprit de rationalité : c’est l’organisation scientifique des activités, qui va de pair avec l’esprit de conquête.

  • L’esprit d’opulence : c’est la société de consommation amorcée par la naissance des grands magasins à la fin du 19ème siècle et entretenue par le marketing, grand champion dans l’art de susciter les désirs

  • L’esprit de mouvement, enfin, marqué par l’hyper-compétition, un capitalisme liquide et mouvant, la dictature du court-terme

Le capitalisme est un objet de critique et ce n’est pas nouveau. Il sait s’y adapter. Cependant, les transitions écologiques, sociales et sociétales que nous vivons mettent l’entreprise à l’épreuve. Pour survivre, elle doit se réinventer et faire émerger l’esprit de responsabilité – un nouvel imaginaire socio-culturel à traduire dans son fonctionnement opérationnel, sa gouvernance, son modèle économique, son management.


L’entreprise responsable : nouveaux modes de pensée


En une vingtaine d’années, la responsabilité s’est imposée partout : rapports RSE, lois environnementales, attentes des consommateurs, normes et certifications… Cependant, que veut dire "être responsable" pour une entreprise ?

La responsabilité a quelque chose à voir avec la réparation et la sanction au regard d’un fait passé. Mais c’est une notion en extension, à la fois dans le temps [on n’est plus seulement responsable des actions passées mais aussi de la préparation de l’avenir pour les générations futures] et dans l’espace [on est responsable vis-à-vis d’autrui, du voisin connu jusqu’à l’humanité anonyme et à la planète]. Cela nous confronte à un problème de mesure et de périmètre et à quatre écueils :

  • La fixité : la question ne peut se réduire à un ensemble de référentiels, de normes et d’indicateurs figés

  • Le flou : qu’est-ce que la responsabilité signifie pour un collectif d’individus ? Pour Gaspard Koenig, "une entreprise en tant qu’entité juridique dépourvue de souffrance comme de conscience ne semble pas qualifiée" (cf. La Revue de Kea n°24, ‘’Être responsable de soi-même avant de s’engager pour tout le monde")

  • La fausse vertu : la responsabilité n’est pas une course à la dévotion

  • L’immobilisme que peut susciter le vent de dénonciation systématique et qui paralyse

Selon nous, la responsabilité d’une entreprise est fonction de l’impact de sa dynamique d’innovation collective sur la société. Autrement dit, si son activité affecte un territoire, des salariés, une commune, des fournisseurs, des actionnaires, des clients, des générations futures, alors sa responsabilité se traduira par sa capacité à rendre compte à chacun d’eux. Ainsi définie, la responsabilité implique quatre inflexions stratégiques de la part des dirigeants (Cf. La Revue de Kea n°24 - "Responsabilité, du discours à la contribution", Kea & Partners) :

  • Prise de conscience

  • Partage du pouvoir

  • Articulation des temps

  • Préservation du commun


L’entreprise responsable : nouveaux modes d’action


Comment l’esprit de responsabilité s’incarne-t-il concrètement dans les composantes clés d’une entreprise ? Gouvernance, modèles économiques, management : c’est sur ces trois grands champs que nous proposons d’éclairer la question, en nous déplaçant du cœur de l’organisation vers ses parties prenantes.


En matière de gouvernance, la loi Pacte constitue une avancée remarquable. Elle incite les dirigeants à doter leur entreprise d’une raison d’être contributive, c’est-à-dire ayant un impact mesurable et positif pour la société et l’environnement. Cela suppose des engagements formulés dans les statuts et une transformation de la gouvernance pour en assurer la concrétisation. Le partage du pouvoir est une autre marque de l’esprit de responsabilité qui se développe aujourd’hui et qui change les rapports de force entre l’entreprise et ses parties prenantes : actionnaires, salariés en premier lieu. Les écosystèmes intégrés poussent cette logique un cran plus loin, dépassant la logique de rivalité entre acteurs d’une filière à une logique altruiste de préservation et développement du bien commun. Car aucun acteur ne peut affronter seul et contre tous l’ensemble des phénomènes planétaires que nous vivons aujourd’hui.


Modèle économique : c’est le cœur du réacteur. Se mettre en chemin sur la responsabilité passe nécessairement par une réflexion sur la mesure de la performance, le système de production et les sources de génération de valeur. Que mesure-ton et pourquoi ? Comment prendre en compte les actifs immatériels et le temps long ? Comment transformer les opérations pour que leur impact soit positif ? Quels modèles de croissance durables inventer ?


Enfin, le sujet du management s’impose : pas de transformation responsable de l’entreprise sans transformation personnelle de ceux qui la composent. Leadership responsable, autonomie des collaborateurs et épanouissement au travail, culture écologique et sociale constituent les trois axes d’innovation dans le domaine.



Au-delà d’une prise de conscience sur la nécessité de refonder l’entreprise, c’est en définitive à une autre conception du temps et du collectif que le livre "l’entreprise face à sa responsabilité" invite. Sans tomber dans les slogans faciles, la moralisation ou la notation. Une nouvelle vision du progrès émerge, mais avec lui émergent aussi de nouveaux travers qu’il s’agit de traquer.


Arnaud Gangloff

PDG & Partner


François-Régis de Guenyveau

Responsable R&D du pôle Impact & Transformation responsable




Thibaut Cournarie

Partner

Marc Smia

Co-fondateur de Kea & Partners



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