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Actifs immatériels, ressources clés de l'entreprise pour une transformation responsable


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Face à des bouleversements sociétaux, environnementaux et géopolitiques sans précédent, les entreprises doivent repenser leur modèle de création de valeur. En explorant leur singularité et leurs actifs immatériels – confiance des clients, savoir-faire des équipes, connaissance fine de leur écosystème, culture d’entreprise, réputation – elles peuvent amorcer une transformation réussie et durable. Ces ressources immatérielles, qui représentent de 50 % à 80 % de la valeur des entreprises selon les secteurs, et dont seulement 20 % sont comptabilisés, recèlent un potentiel inestimable pour rester compétitif, innover, attirer les talents. Comment ces actifs peuvent-ils devenir les pivots d’une économie plus positive et plus juste ?


1. L’immatériel comme trait d’union entre financier et extra-financier

La pression exercée par les limites planétaires et le creusement des inégalités sur les dernières décennies mettent en lumière l’obsolescence des modèles économiques actuels souvent construits sur une exploitation illimitée des ressources. En parallèle, les normes financières élaborées au 20ème siècle, axées sur des indicateurs tels que le PIB, peinent à refléter la richesse réelle des organisations et sous-estiment les externalités positives, comme la confiance des parties prenantes, les compétences, l’employabilité et le bien-être des salariés, pourtant essentiels pour assurer la pérennité des entreprises.


Kéa travaille depuis 20 ans sur la mesure de la vitalité culturelle des entreprises, et accompagne leur transformation vers une culture désirée par leurs dirigeants. Nous lançons début 2025 un nouveau cycle de réflexion sur le sujet, baptisé « Le quart d’heure d’avance ». De multiples méthodes d’identification, de mesure et d’activation de l’immatériel existent (Cap-immatériel, Thésaurus, Holodiag, Valentin, Sharing Value ...) et Kéa y contribue sur les notions de résultat d’exploitation immatériel, systèmes d’actifs immatériels, ou porteurs d’actifs. Ces méthodes visent moins la valorisation ponctuelle du goodwill d’acquisition qu’un inventaire permanent de l’immatériel, une aide à la gouvernance, aux choix stratégiques et aux décisions d’investissements.


C’est un défi immense de matérialiser l’immatériel et une forme de paradoxe de rendre comparable l’unicité. En Europe, la double matérialité et la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) éveillent les investisseurs et dirigeants à l’extra-financier. Mais l’objectif assumé reste avant tout de maîtriser les externalités négatives (émissions carbone, menaces sur la biodiversité, pollutions…) plutôt que de maximiser l’impact bénéfique d’une organisation de manière holistique (rôle dans une filière, un territoire, une cause d’intérêt général, …).


A retenir :

  • Les limites planétaires exigent une remise en question profonde des modèles économiques actuels ainsi que des normes économiques.

  • L’enjeu est plus de prendre de conscience et investir dans ses actifs immatériels plutôt que les monétiser.

  • La double matérialité et la CSRD choisissent de compléter le financier par l’extra-financier, sans vraiment considérer que l’immatériel peut faire le lien entre les deux.


2. Forces immatérielles, forces stratégiques

Dans un contexte où la différenciation concurrentielle devient cruciale, les actifs immatériels constituent une réponse pertinente. Ils regroupent le capital humain, organisationnel et relationnel, absents du bilan, mais décisifs pour la résilience et l’innovation.


Prenons l’exemple du capital humain : Harmonie Mutuelle développe des stratégies axées sur la prévention, la santé et le bien-être des collaborateurs, ce qui renforce l’engagement et la productivité. Par ailleurs, le capital relationnel, qui inclut la relation avec les parties prenantes et l’écosystème local, joue un rôle essentiel dans la co-création de solutions adaptées aux attentes sociétales.


L’immatériel ouvre un potentiel gigantesque qui renouvelle la conception de l’essentiel et l’imaginaire du bonheur, un nouveau récit de l’avenir, authentique et aspirationnel. C’est le « système d’exploitation » au cœur des entreprises qu’il faudra renouveler. A quelle vitesse et à quel prix ? Un équilibre doit être trouvé entre :

  • une certaine radicalité, donnant la primauté à la vision européenne, avec des règles du jeu valables immédiatement pour tous (EFRAG), en intégrant le capital nature dans le bilan de l’entreprise, en accélérant les expérimentations de comptabilité multi-capitaux ;

  • des petits pas, une progressivité, une approche multilatérale visant à « construire une religion plutôt que plusieurs sectes ».


Pour valoriser ces ressources, les entreprises doivent intégrer leur gestion dans des stratégies de long terme. Cela inclut l’amélioration des compétences internes, la mise en place de systèmes de reconnaissance et la création d’une culture d’entreprise axée sur la collaboration et l’innovation.


A retenir :

  • L’essentiel de l’économie (comme de la vie), le bien-être, la raison d’être, le progrès, l’héritage, l’empreinte laissée, la transmission sont largement immatériels.

  • Cartographier les actifs immatériels de l’entreprise fait apparaître ses leviers stratégiques.

  • Pas de « grand soir » pour l’immatériel mais un chemin de transformation à inventer entre actions radicales à portée universelle et petites réalisations locales.


3. Réinventer le travail et le partage de la valeur

Depuis Karl Marx, le contenu et la productivité du travail restent au pire le ferment d’une lutte des classes, au mieux un mystère. En France, nous vivons aujourd’hui une situation inédite depuis 1945, où le travail ne permet plus à la plupart des gens d’augmenter leur niveau de vie. Comment sortir de l’impasse ?


La transformation durable exige une redéfinition des notions de travail et de capital. Le travail, autrefois perçu comme une simple exécution de tâches (le travail prescrit), s’impose désormais comme une sédimentation d’actifs immatériels, un vecteur de sens, d’innovation et de contribution sociétale (le travail réel). Le travail combine l’opération d’une tâche vers un résultat (les anglais disent « outputs ») et « chemin faisant », la création d’actifs (« outcomes »). Ainsi, chaque travailleur devrait être reconnu comme « porteur d’actifs » : celui qui utilise, communique, transmet des ressources immatérielles qui ne s’usent que lorsqu’on ne s’en sert pas.


Comment les entreprises peuvent-elles utiliser leurs actifs immatériels pour répondre aux enjeux de partage de la valeur et du bien-être collectif ? Le Groupe Bouygues, par exemple, a su mobiliser ses forces immatérielles pour développer des matériaux durables grâce à des coalitions intersectorielles. Cette approche a permis de réduire son impact environnemental tout en renforçant ses avantages concurrentiels. Une telle stratégie montre comment l’économie de la fonctionnalité peut réduire la pression sur les ressources naturelles, en passant d’une logique de possession à une logique d’usage.

Par ailleurs, la collaboration avec les parties prenantes ouvre des perspectives pour un partage équitable de la valeur créée. Les modèles participatifs, où les employés sont impliqués dans les processus de décision, favorisent non seulement l’engagement mais également la performance globale. Des actions de régénération, comme le soutien à la formation continue et la restauration des écosystèmes, complètent ce cadre en assurant une pérennité des ressources.


A retenir :

  • Le capital immatériel redéfinit la notion de travail en l’incarnant dans la figure du travailleur et en valorisant son impact sociétal.

  • Les approches collaboratives ou intersectorielles renforcent la durabilité et la compétitivité des entreprises.

  • Mesurer et valoriser les actifs immatériels renforce l’attractivité et la performance à long terme.

 

En conclusion


Le rapport sur l’investissement dans l’immatériel dans l’industrie, réalisé en 2021 par l’Observatoire de l’immatériel, le ministère de l’Industrie, BpiFrance, la Caisse des Dépôts et Consignations, la Fabrique de l’industrie et le professeur Rodolphe Durand, montre une corrélation très nette entre l’investissement dans l’immatériel et la performance des ETI industrielles étudiées : croissance du CA, amélioration de l’EBITDA, création d’emploi. En valorisant leurs actifs immatériels, les entreprises peuvent non seulement relever les défis environnementaux et sociétaux mais aussi renforcer leur singularité et leur résilience.

 


Auteur :


Jérôme Julia

Senior Partner, Kéa




Cet article est la synthèse du webinaire de la série Future-Up! 2024 avec les interventions de Bertrand Badré, Fondateur et Directeur général de Blue like an Orange Sustainable Capital, Fabrice Bonnifet, Directeur Développement Durable & Qualité, Sécurité, Environnement, Bouygues, Lionel Fournier, Directeur impact et santé durable du groupe Harmonie Mutuelle, Jérôme Julia, Senior Partner, Kéa et Président de l’Observatoire de l’immatériel












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